TOUSSAINT LOUVERTURE

TOUSSAINT LOUVERTURE
TOUSSAINT LOUVERTURE

TOUSSAINT LOUVERTURE FRANÇOIS DOMINIQUE TOUSSAINT dit (1743-1803)

Dans la nuit du 22 au 23 août 1791, l’insurrection générale des nègres de la colonie française de Saint-Domingue débuta dans la plaine du Nord. Elle était commandée par Jean-François, Georges Biassou, Boukman et Jeannot. Quel fut le rôle exact de Toussaint à Bréda, nègre créole libre alors âgé d’une cinquantaine d’années?

Surnommé Fatras-Bâton (le Contrefait), c’était un homme de petite taille (1,63 m), malingre, exerçant malgré sa laideur de l’ascendant sur ses congénères. Second fils d’un Africain originaire de Arada (Bénin-Togo), il avait été élevé dans la case du maître par Bayon Libertat, procureur de l’habitation. Son parrain, le nègre Pierre-Baptiste, lui avait appris le français et un peu de latin, mais il ne savait encore ni lire ni écrire en 1779. Toussaint avait été affranchi en 1776 après avoir été successivement mayoral (commandeur), cocher et surveillant de la plantation Bréda. Il se maria d’abord avec la fille d’un nègre libre, Philippe Désir Jasmin, qui lui loua terrains et esclaves en 1779. Il épousa en secondes noces en 1780 Suzanne Simon-Baptiste, une Négresse libre qui savait lire et écrire. Toussaint demeurait au Haut-du-Cap où il possédait un terrain de seize carreaux, soit une vingtaine d’hectares plantés de café et de vivres, et treize esclaves. Homme intelligent, réfléchi, dissimulant ses pensées et parlant peu, il s’exprimait très souvent par maximes. Très sobre, il dormait très peu la nuit. Il aimait beaucoup les chevaux et était très bon cavalier. Connaissant parfaitement toutes les plantes médicinales, il se fit connaître comme médecin de l’armée. Il servit sous les ordres de Biassou, apparaissant comme son secrétaire, son aide de camp puis son second avec le grade de colonel. Il avait appris à lire et à écrire maladroitement. En juillet 1793, les chefs de l’insurrection se rallièrent aux autorités espagnoles de Santo Domingo. Les Espagnols entreprirent l’invasion de la colonie française. Toussaint Louverture devint général des armées du roi, établissant son quartier général à La Marmelade en décembre 1793. L’invasion britannique, en septembre 1793, précipita les événements. Quelques mois après la suppression de l’esclavage à Saint-Domingue (29 août 1793) — décision confirmée par la Convention en février 1794 —, Toussaint, rompant avec Biassou et les Espagnols, choisit de se rallier en mai 1794 avec son armée aux autorités légales de la République. Le gouverneur Étienne Laveaux lui décerna un brevet de colonel en mars 1795 et la Convention l’éleva le 23 juillet au grade de général de brigade. Il devint l’instrument principal du pouvoir colonial, cherchant à diviser les nègres colonisés, à les dresser les uns contre les autres et à briser le groupe des «gens de couleur». Général de division le 17 août 1796, Toussaint écarta du pouvoir Laveaux qui partit le 14 octobre 1796 après son élection aux Cinq-Cents. Le Directoire, après s’être débarrassé des officiers de couleur, envisagea l’envoi d’une force armée pour soumettre les nègres à la production coloniale et pour rétablir l’ordre colonial et esclavagiste. Toussaint, nommé général en chef en mai 1797, répondit à ces menaces en faisant savoir au gouvernement français que s’il avait l’intention de restaurer l’esclavage, les nègres de Saint-Domingue se défendraient, à l’exemple de ceux de Jamaïque. Après le départ, en août 1797, du commissaire Léger-Félicité Sonthonax élu aux Cinq-Cents en septembre 1796, Toussaint entreprit de négocier avec les Anglais, de recevoir des émigrés et de renforcer son armée. Il neutralisa adroitement les commissaires et les émissaires du Directoire puis du Consulat. Seul chef de la colonie, il édicta un règlement de culture le 12 octobre 1800, organisant la production et le travail sur les plantations. Une assemblée de dix membres rédigea une constitution en mai 1801, qui lui permit de préciser ses options autonomistes. Promu gouverneur général à vie, Toussaint s’était octroyé le droit de nommer son successeur. L’île avait été divisée en six départements et Les Gonaïves s’imposa comme capitale. Très pieux, quoique hostile au pouvoir des préfets apostoliques, Toussaint favorisa la pratique du culte catholique au détriment du vaudou. À la tête d’une armée de quarante mille hommes environ, entouré de ses lieutenants favoris Dessalines et Christophe, il décida d’unifier l’île sous son autorité en occupant la partie espagnole en janvier 1801.

Les Préliminaires de Londres (oct. 1801) permirent à Bonaparte d’envisager le rétablissement de la domination coloniale française et de l’esclavage. Deux forces expéditionnaires furent envoyées, l’une à Saint-Domingue sous les ordres d’Emmanuel Leclerc, le mari de Pauline, l’autre en Guadeloupe commandée par Antoine Richepanse. Toussaint et ses hommes affrontèrent les Français dans une guerre totale où ils avaient l’avantage du terrain. Leur stratégie militaire, tirée de l’expérience des nègres marrons, combinait essentiellement guérilla, embuscades, incendies et harcèlement incessant de l’ennemi. Une trêve conclue en mai permit à Toussaint de souffler. On l’arrêta par traîtrise le 7 juin 1802. Embarqué sur la frégate La Créole , Toussaint prédit au chef de division Jean Savary: «En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des nègres; il repoussera par les racines, parce qu’elles sont profondes et nombreuses.» En effet, Leclerc mourut le 2 novembre 1802 sans avoir pu suivre les instructions de Bonaparte qui lui enjoignaient, après l’occupation des ports et des places, de capturer les meneurs nègres et de rétablir l’Exclusif. Son successeur Rochambeau ne parvint pas à vaincre les nègres rebelles qui combattaient au cri de «La liberté ou la mort».

Toussaint fut envoyé immédiatement en France sur le bâtiment Le Héros avec sa femme Suzanne, ses fils Placide, Isaac et Jean, sa belle-fille Victoire Tuzac et sa nièce Louise Chancey. Un décret du Premier consul du 23 juillet 1802 stipula de l’enfermer au fort de Joux (Doubs) et de le mettre au secret. Bonaparte chargea Louis Caffarelli, en septembre, d’interroger le prisonnier sur sa politique internationale «et d’obtenir des renseignements sur l’existence de ses trésors». Plutôt que d’envisager un procès, le pouvoir central préféra laisser Toussaint croupir en prison. Il subit un régime pénitentiaire qui visait à le briser, à l’anéantir physiquement et moralement. Vexations, humiliations, brimades eurent raison de sa santé. «La composition des nègres ne ressemblant en rien à celle des Européens, je me dispense de lui donner ni médecin ni chirurgien qui lui serait inutile», rapporta Baille, son geôlier, le 30 octobre. On le trouva mort le 7 avril 1803, assis sur une chaise. Il fut inhumé dans l’enceinte du fort. Napoléon, à Sainte-Hélène, se reprocha d’avoir été entraîné — par ses ministres et les « criailleries des colons» — à vouloir soumettre par la force la colonie. Il aurait dû se contenter de gouverner Saint-Domingue «par l’intermédiaire de Toussaint». Il estimait que ce dernier «n’était pas un homme sans mérite... Il était fin, astucieux; nous avons eu fort à nous en plaindre...». Au vrai, Toussaint Louverture fut le premier chef d’un pays colonisé aux Caraïbes à comprendre que la liberté des nègres impliquait un pouvoir noir.

Toussaint Louverture
(1743 - 1803) homme politique haïtien. Il fut l'un des chefs des esclaves noirs révoltés à partir de 1791 contre les planteurs français. Il se rallia à la République française lorsque celle-ci abolit l'esclavage (1794). Il fut nommé général (1796) et chassa les Anglais (présents dep. 1793) en 1798. Gouverneur officiel de l'île (1801), il voulut réorganiser la production de canne à sucre et rappela les colons, mais Bonaparte, poussé par son épouse créole, rétablit l'esclavage en 1802 et envoya Leclerc, qui s'empara de Toussaint, trahi. Celui-ci mourut en captivité en France.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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